18e Colloque international du CIR 17 (Centre International de Rencontres sur le 17e siècle)
Università del Salento – Lecce (Italie)
25-27 juin 2025
Liberté de penser, liberté de créer au XVIIe siècle
S’affranchir des traditions artistiques, rhétoriques et scientifiques
Appel à communication
Le XVIIe siècle hérite de nombreuses traditions artistiques et scientifiques issues du Moyen Âge et de la Renaissance, traditions dont on a tendance à s’affranchir progressivement, qu’on pense à Malherbe et à sa réforme poétique, à Corneille et au renouvellement des codes dramatiques, ou à Galilée et à sa nouvelle cosmologie. «D’un monde clos à un univers infini» : ainsi Alexandre Koyré qualifiait-il la véritable révolution mentale et culturelle qui s’opère tout au long du siècle. Les avancées de l’époque ne se limitent pas aux acquisitions scientifiques, elles sont également présentes dans les arts visuels, musicaux et littéraires, dans la langue qui subit des pressions prescriptives sous l’impulsion de l’Académie française naissante à laquelle on résiste par des courants comme les romans comiques et la poésie burlesque. Tout créateur est alors aux prises avec des traditions, des pressions politiques ou institutionnelles avec lesquelles il doit négocier pour trouver son originalité.
Cette dynamique trouve un terreau fertile dans ce groupe d’auteurs que l’on a pris l’habitude de rassembler sous la bannière du courant libertin, des auteurs qui cherchent à s’affranchir des idées reçues, des croyances communes et donc des ‘vérités’ imposées par la tradition et par l’ordre établi. La mentalité novatrice de cette époque s’exprime au travers d’intrigues fictionnelles et de traités qui soutiennent une attitude intellectuelle fondée sur la raison et sur l’expérience et non pas sur la transcendance et sur la superstition. Les nouvelles découvertes et intuitions trouvent une parenté de pensée avec les courants philosophiques antiques – notamment par le scepticisme, par l’épicurisme et par le naturalisme. De nombreux auteurs (tels La Mothe Le Vayer, Pierre Gassendi, Gabriel Naudé, Pierre Bayle) s’attaquent à la magie, à l’astrologie, aux préjugés et ils prennent pour cible à la fois la sottise (de la masse) et la supercherie (des imposteurs).
Pendant ce siècle crucial pour la fermentation des esprits, la créativité expérimentale soumet de plus en plus l’univers à la raison, à la géométrie, à la physique et à l’astronomie, qu’on pense seulement aux contributions de Galilée, Descartes ou Newton. Beaucoup de philosophes et d'hommes de lettres suivent avec une grande curiosité le progrès des théories 'scientifiques' et ils promeuvent l’esprit d’examen dans leurs œuvres : seule voie capable de faire aboutir à la vérité. À cause du contexte socio-politique fondé sur la censure, leurs idées novatrices si ce n’est transgressives sont souvent exprimées via une écriture dissimulatrice riche en inventions fictionnelles fantaisistes (cf. Cyrano, Les États et empires de la Lune, Les États et empires du Soleil), en digressions (cf. Fontenelle, L’origine des Fables, L’histoire des Oracles) et en stratégies rhétoriques qui visent à contrecarrer l’obscurantisme sans expliciter la portée réelle de l’argumentation. Dans cette perspective, le théâtre joue un rôle fondamental et concourt à l’accélération du processus culturel qui a progressivement banni le recours au surnaturel pour éclaircir les phénomènes naturels et pour interpréter l’univers (Cyrano, La mort d’Agrippine, Donneau de Vizé et Fontenelle, La Comète).
Les Salons et les Académies contribuent à développer et à répandre les thèmes en vogue : les débats, les interrogations, les hypothèses, les théories, les découvertes ; et, de ce fait, ils déterminent une nouvelle configuration culturelle et inaugurent une littérature inédite relevant, entre autres, d’une conception neuve de la vie sociale, caractérisée par l’ascension de plus en plus imposante de la bourgeoisie, où la notion de ‘mérite’ de l’individu commence à prévaloir sur toute sorte de privilèges liés à la caste d’appartenance. Qui plus est, foyers culturels animés par les femmes de la haute société (cf. Catherine de Vivonne marquise de Rambouillet, Madeleine de Scudéry, Madeleine de Souvré de Sablé, etc.), les Salons deviennent le lieu propulseur d’une nouvelle typologie d’écriture, plus sociable et mondaine, où la figure féminine joue un rôle fondamental sous plusieurs perspectives (autrice, lectrice/spectatrice, héroïne).
À cette époque, d’ailleurs, la philosophie cartésienne promeut l’intelligence féminine si ce n’est l’égalité intellectuelle entre les hommes et les femmes (cf. François Poullain de La Barre, De l’égalité des deux sexes et Gabrielle Suchon, Célibat volontaire ou La vie sans engagement). Au fil du siècle de nombreuses œuvres abordent le thème de l’éducation et attaquent les préjugés misogynes ; plusieurs écrivaines et écrivains sont porteurs de mentalités novatrices (cf. Marie de Gournay, Charles Sorel, Molière, Madame de La Fayette, Madame de Sévigné) vis-à-vis du rôle familial, social et culturel des femmes, et marquent une étape fondamentale en matière d’émancipation féminine.
Caractérisée par les grands genres (tragédie, comédie, etc. cf. Boileau, Art poétique) et par les formes mineures (ode, sonnet, chant, etc.), l’écriture littéraire de ce siècle se développe entre régularité et irrégularité, si ce n’est entre le culte des Anciens imposant l’Antiquité comme modèle à imiter et la recherche de solutions originales et de voies neuves. De nombreux traités publiés notamment à partir de la querelle des Anciens et des Modernes émancipent le Beau de la morale et, en envisageant le statut autonome de l’artiste, élaborent une sorte de sociologie du «génie» créateur moderne. On assiste ainsi à la genèse d’une esthétique moderne fondée sur la conception de l’artiste comme sujet créateur où le génie humain est un démiurge créateur (cf. Annie Becq, 1994).
Entre tradition et innovation, superstition et science, croyance et scepticisme, confiance au surnaturel et éclaircissement rationnel, censure et libre pensée, les créations et les réflexions de cette période témoignent des conséquences de l’élargissement des horizons géographiques, géophysiques et cosmographiques et illustrent à la fois les changements des mentalités ainsi que les complexes tentatives d’imposer le status quo.
Le Colloque vise à interroger les ouvrages de la création littéraire et de l’histoire de l’art ainsi que les traités philosophiques, scientifiques et musicaux, les dictionnaires, les périodiques, la documentation épistolaire, les journaux de voyage et les discours prononcés au sein des Académies (et tout particulièrement à l’intérieur de l’Académie Française, de l’Académie des Sciences et de l’Académie de France à Rome), afin d’étudier les changements radicaux des mentalités eu égard à la manière de concevoir la Nature, le Surnaturel, la Carte de la Terre et la Carte du Ciel, voire l’Image du Monde et la position de l’Homme dans l’Univers. Par des perspectives interdisciplinaires, le Colloque invite à une réflexion sur la France du XVIIe siècle en tant que foyer des débats qui ont contribué à renouveler l’écriture littéraire, à bouleverser les vérités toutes faites, et à préparer la voie pour accueillir la révolution scientifique et pour déterminer une nouvelle posture intellectuelle et morale basée sur le relativisme culturel.
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Les propositions de communication (en français, 300 mots maximum) sont à envoyer avant le 5 octobre 2024 à l’adresse suivante : cir2025lecce@yahoo.com
Les propositions de séance (en français) sont à envoyer avant le 25 septembre 2024 à l’adresse suivante : cir2025lecce@yahoo.com
Le colloque se déroulera en présentiel (avec possibilité de présenter une communication à distance via zoom).
Présidence du colloque :
Marcella Leopizzi, Università del Salento - Lecce
Gilles Declercq, Université Sorbonne Nouvelle
Jean Leclerc, University of Western Ontario
Marco Modenesi, Università di Milano “La Statale”
Comité scientifique :
Francis Assaf, University of Georgia
Bernard Bourque, University of New England - Australia
Derval Conroy, University College Dublin
Agnès Cousson, Université de Bretagne Occidentale
Jean-Charles Darmon, École Normale Supérieure
Gilles Declercq, Université Sorbonne Nouvelle
Dominique Descotes, Université Clermont Auvergne
Alessandra Ferraro, Università di Udine
Nathalie Grande, Université de Nantes
Vincent Jullien, Université de Nantes
Jean Leclerc, Western University Ontario
Marcella Leopizzi, Università del Salento - Lecce
Marco Modenesi, Università di Milano “La Statale”
Claudine Nédelec, Université d’Artois
Buford Norman, University of South Carolina
Françoise Poulet, Université Bordeaux Montaigne
Chiara Rolla, Università di Genova
Pierre Ronzeaud, Université d’Aix-Marseille
Stella Spriet, University of Saskatchewan
Rainer Zaiser, Universität zu Kiel